Favoriser l’écriture collaborative et l’archivage de ses traces

Billet intéressant d’Ed Felten, qui porte un regard sur les humanités depuis son champ, qui est celui de l’informatique. Son propos porte sur la transposition des outils de versioning des logiciels informatiques au domaine des humanités, pour favoriser l’écriture collaborative de textes.

L’idée n’est pas nouvelle ; il s’en trouve déjà des manifestations — Google Wave, Etherpad son ancêtre, plusieurs éditeurs de documents en ligne comme Adobe Buzzword, ou encore SubEthaEdit. Ces logiciels permettent la mutualisation de l’écriture. Du côté de l’archivage, ce qui est décrit correspond à peu de choses près à l’historique des wikis.

Néanmoins, l’identification des fonctions précises mérite de s’y pencher un peu plus. Donc aux côtés des fonctions d’écriture collaborative et d’historique des modifications, il identifie plus précisément trois éléments importants :

  • l’écriture parallèle : les logiciels de versioning gèrent le partage du travail entre plusieurs collaborateurs et facilitent la fusion des parties rédigées/amendées/augmentées ; tout wiki permet de segmenter l’intervention sur une section donnée, mais l’assignation des mandats reste toujours un peu improvisée ;
  • le relevé des améliorations possibles et des commentaires (efficacement nommé en anglais issue tracking) : l’annotation en cours de travail (mention de petites interventions à faire, des problèmes à régler) et les commentaires laissés par des relecteurs sont pratiques communes pour toute personne utilisant les fonctions de révision ou de commentaire des traitements de texte ; toutefois, ces traces restent soit  trop intrusives, soit trop masquées, soit trop localisées (associées à un point d’ancrage précis) ;
  • la publication hâtive et répétée :eévidemment, le lectorat de textes conçus dans un milieu de recherche en sciences humaines n’est pas immense ; on ne peut guère espérer avoir autant de béta-testeurs que bien des logiciels… mais il demeure que l’épreuve de la lecture est un processus extrêmement riche, qu’il faudrait davantage favoriser ; en ce sens, la publication hâtive sur des carnets scientifiques, comme André Gunthert l’évoquait au moment du lancement officiel de la plateforme Culture visuelle, constitue un rouage précieux pour l’exercice de la recherche :

Culture Visuelle ne vise pas à reproduire le modèle canonique de la revue peer-reviewed, mais à cultiver la recherche en train de se faire. Grâce aux outils numériques, la plate-forme crée une nouvelle strate de visibilité du travail savant, renouant avec des modèles plus anciens, comme les célèbres Comptes rendus de l’Académie des sciences créés en 1835 par le génial Arago – lieu de présentation des travaux et des questionnements, de commentaires et de débats, à un rythme soutenu.

Des développements logiciels sont certainement nécessaires pour amener les logiciels comme git ou CVS vers les sciences humaines ; il m’apparaît toutefois que les transformations les plus profondes doivent être opérées du côté des usagers, des chercheurs donc, pour qui ces considérations méthodologiques (pas même techniques) sont encore bien étrangères.